Je quittai donc la société Schlumberger à Clamart pour rejoindre la gare de Issy-Val-de-Seine et son tramway T2 qui m’emporterait directement dans l’emblématique quartier d’affaires aux hautes tours de verre et d’acier. J’en profitai pour m’offrir un power-nap régénérateur, ayant eu un gros coup d’insomnie dans la nuit de dimanche à lundi – endormi aux environs de 4 heures du matin malgré tous les trucs et astuces que j’essayai pour m’ouvrir les portes du sommeil. Bref, après ce petit somme providentiel et utile, et quelque peu requinqué, j’arrivai au pied de la Grande Arche, et je pus profiter de la vue splendide qui s’offrit à moi ainsi qu’aux yeux ébahis des nombreux contemplatifs présents sur les lieux, qui prenant des photos, qui téléphonant, qui admirant tout simplement la ligne d’horizon hérissée des tours éclairées et majestueuses de ce quartier qui n’est jamais aussi beau que la nuit.
Pour me convaincre que je ne rêvais pas, je me dirigeai vers un bistro quasiment vide que j’avais fréquenté à l’époque où je donnais des cours bihebdomadaires dans un laboratoire pharmaceutique tout proche, et je commandai carrément une noisette. J’en appréciai le velouté sucré et amer, et restai tout ébaubi devant les décorations de Noël dont le comptoir et la salle étaient parsemé, puis je m’en fus rejoindre le Pôle Universitaire Léonard-de-Vinci, que je ne connaissais pas, sinon bien évidemment de réputation. Cette conférence représenta justement l’occasion unique de remédier à cette grave lacune. Après avoir marché une dizaine de minutes dans la nuit glaciale et venteuse, j’entrai enfin dans le Temple du Savoir. Je dois dire que ce Pôle Universitaire est effectivement impressionnant, de par sa modernité. Jugez plutôt : façade de verre, guichet d’accueil, portillons automatiques, vigiles vigilants, escalators… Luxe de précautions pour une université de luxe. Je suivai le fléchage mis en place avec efficacité et un peu de scotch, et j'arrivai bientôt au point G, euh je veux dire à l’amphithéâtre G, non sans me laisser surprendre au passage par un étudiant qui jouait du piano superbement au beau milieu d’une sorte de petit salon attenant à l’amphithéâtre – déjà, trouver un piano dans une salle de repos d’une université, c’est relativement rare pour être surprenant, mais en plus celui qui s'en servait n'était pas manchot ! J’allai vite déposer mes affaires dans l’amphi (lourds manteau et attaché-case), et m’en fus retrouver mon pianiste qui continuait sa sérénade nostalgique, insensible au va-et-vient des étudiants pressés qui passaient devant lui ; la musique peut vraiment vous tomber dessus à n’importe quel moment, surtout lorsque l’on s’y attend le moins et dans les circonstances les plus inhabituelles…
Fin du concert improvisé et impromptu. Je retournai dans l’amphi, qui bruissait maintenant de la présence d’une assistance clairsemée, mais qui se renforcerait à mesure que s’égrèneraient les minutes nous séparant du début du show. Assister à cette conférence me rappela, dois-je dire en passant, mes années d’études, certes dans un cadre moins ostentatoire que celui-ci (Université Sorbonne-Nouvelle – Paris III), mais dans un sujet relativement similaire : la linguistique (anglaise) ; si tout ce qu’énonça ce soir Ms Biard-Schaeffer ne m’était ni tout à fait familier ni tout à fait inconnu, du moins cela résonnait-il en moi comme un écho de ma formation de linguiste. De plus, j’avais assisté également à une ou deux séances d’introduction à la PNL, et je me rendai compte que cette dernière discipline est largement issue de la sémantique générale (« la carte n’est pas le territoire ») et des cogitations de Monsieur Korzybski.
En guise de conclusion, une petite série de citations provenant de la brochure que la conférencière nous laissa une fois sa présentation achevée : « Le cinéma est une question de ce qui est dans le cadre et de ce qui est dehors » - Martin Scorcese /// « Comment voulez-vous gouverner un pays qui a 246 variétés de fromage ? » - Charles de Gaulle /// « Si le système nerveux humain était assez simple pour que nous le comprenions facilement, il le serait trop pour que nous le puissions » - Kenneth Johnson - [ Je l'aime bien, celle-ci ! ] /// « Ne demandez jamais à un barbier si vous avez besoin de vous faire raser » - proverbe texan - [ J'espère ne point avoir été barbant, avec mes histoires pas toc de sémantique générale ! ]
Enfin, avant de vous quitter, chers lectrices et lecteurs, je vous copie un lien qui mène vers une page extraite du site officiel de The Institute of General Semantics, fondé par Alfred Korzybski lui-même en 1938, et dont leslocaux se trouvent à Dallas, Texas. La page que je vous invite à lire (texte en anglais) est une anecdote racontée d’après une vidéo d’une conférence du conte Korzybski, et s’intitule « La fille et l’allumette » ; cela résume assez bien, sous la forme d’une plaisante parabole, les fondamentaux de la discipline ainsi que la personnalité certainement atypique de son créateur…