Cette dernière est enfin annoncée par la chanteuse-guitariste qui n’ose même pas prononcer son nom de famille (« elle a un nom à coucher dehors »), et qui demande si quelqu’un du public peut le faire pour elle. Je crie « Nowowiejska » à tue-tête mais elle ne semble pas m’entendre. Qu’à cela ne tienne, je me recommande une bière.
Le groupe de Doña Aldona entre enfin en scène. Cette fois-ci, contrairement au concert de l’Olympic Café, il n’y a que trois personnes sur scène, c’est-à-dire, outre Aldona (qu’on ne présente plus et qui officie toujours au chant et à la guitare), un anglais contrebassiste (Steven) et un français mandoliniste (Raphaël, également compagnon de la belle Aldona). Trio, donc. Le groupe commence avec une poésie de Emily Dickinson, mise en musique, et qui prend la forme d’une très belle chanson pour s’échauffer un peu. Notons de menus soucis de retour de son sur scène, et le contrebassiste s’évertue à faire de grands signes à la Régie pour qu'elle augmente le volume de son retour. Les choses finissent par s’améliorer un tantinet, je vous rassure. Si, si, je sens que vous aviez besoin d’être rassurés sur ce coup là ! Bon, seconde chanson, poème d’amour tiré de l’Evangile de Saint-Paul et traduit en polonais. Aldona donne de la voix sur ce titre, très beau, assez bluesy pour tout dire, et la mandoline jouée avec un bottleneck (de façon magistrale et subtile) n’est sans doute pas étrangère à ce sentiment diffus, un brin nostalgique. Et toujours cette sacrée petite touche slave, qui émane autant de la voix ensorceleuse d’Aldona – mais quel plaisir de se laisser ensorceler par elle – que des arrangements savants mis au point par cette fée de l’âme slave.
Encore un ou deux titres, et puis arrive une chanson pour laquelle, traditionnellement, Aldona a besoin d’un assistant. Je vous révèlerai dans un instant à quoi l’assistant sert, mais elle demande pour l’instant au public s’il n’y a pas un beau jeune homme dans l’assistance pour l’aider avec le prochain titre. Comme personne ne se porte volontaire, elle désigne… votre serviteur ! Je n’ose croire que je représente le canon du beau et jeune homme, je dirais plutôt que le choix s’imposa à cause de ma présence près de la scène (peut-être aussi grâce à mes applaudissements et vivas, peut-être aussi par le fait que Aldona a semblé me jeter des œillades régulières pendant le spectacle (à moins que cette dernière impression ne soit le fait de ma bière, mais ça serait bien la première fois qu’une bière me fait cet effet là !) Je pense en fait qu'Aldona m'a reconnu du dernier concert et m'a fait le plaisir de participer humblement à une partie du spectacle... Bref, je me hisse sur la scène haute de quelque 70 centimètres, et je m’approche de la chanteuse qui me demande mon prénom. Elle me félicite de mon courage (tu parles !) et me chuchotte les instructions : je dois tenir à ses pieds un ensemble de 3 ballons attachés les uns aux autres et faire en sorte que ceux-ci restent bien en place, car Aldona va donner à trois reprises des coups de talon dans ces pauvres baudruches qui n’avaient rien demandé, les faisant du même coup exploser, à la grande surprise du public ne se doutant de rien et qui sursaute toujours lors du premier Boum inattendu et soudain ! Je me poste donc accroupi entre le violoncelliste et Aldona, et j’attends nonchalamment l’explosion du premier ballon tout en tapant la mesure avec mon pied. Boum ! Emois dans la salle, et moi sur la scène, et la chanson continue. C’est une chanson en polonais qui raconte l’histoire d’une petite fille. Boum ! Celle-ci se perd dans la forêt et… Boum !! La chanson se termine sur cette dernière explosion et je me dirige vers le bord de la scène pour rejoindre ma position plus comfortable de spectateur, non sans avoir au passage salué les mains jointes ma chère Doña Aldona.
Le titre suivant est malheureusement le dernier, il s’agit d’un Sonnet de Shakespeare traduit là aussi en polonais et chanté de manière poignante et émouvante. Il s’achève, ainsi que le set, assez raccourci ma foi en comparaison du concert-marathon de l’Olympic Café. Au moins ne rentrerai-je pas à pied cette nuit ! Je termine mon verre et je vois Aldona qui sort de l’autre côté de la scène. Je me porte fissa côté Jardin, et discute un peu avec la blonde chanteuse, qui tient à la main un petit cahier ainsi que quelques CD’s, aux fins de faire signer les personnes désirant être tenues au courant des prochains concerts, et de leur faire acheter le disque par la même occasion si elles le souhaitent ; moi je l’ai déjà. Aldona me dit que les musiciens ne sont pas payés ce soir, mais que la scène du Divan leur donne une certaine visibilité et leur permet de se faire connaître d’un public plus large que celui qui les suit habituellement. J’acquiesce. Elle m’indique également qu’elle sera en concert le vendredi 20 janvier, et deux autres jours fin janvier. J’en prends bonne note ! Relâche en février. Mais soirée « spéciale Pologne » au Divan le 12 mai 2006. J’ai encore le temps de voir venir, mais je ne louperais cela pour rien au monde…
Aldona part en vadrouille pour faire sa publicité, et moi je reste planté là, à écouter la chanteuse suivante, sorte de resucée de Courtney Love, en moins provoc’ et plus grassouillette… J'apprendrai plus tard qu'il s'agit en réalité de Chloé Mons, également actrice et accessoirement femme de Monsieur Alain Bashung ! Le musicien qui l’accompagne à la guitare n’a pas l’air d’être manchot par contre. C’est plaisant par moment, mais il manque ce petit supplément d’âme qui fait toute la différence, et qui donne le frisson. En l’occurrence, les seuls frissons que j’éprouve sont ceux provoqués par le manque de mouvements et l’inaction. J’en déduis donc qu’il est temps de rentrer dans mes pénates pour pouvoir vous narrer cette belle soirée. Je mets mes gants et me remets de mes émotions et je me dirige vers la sortie. Sur mon chemin, je croise une Aldona en grande conversation et je lui dis bonsoir. Elle me sourit, m’embrasse, me dit au revoir et me remercie de ma venue. Je suis aux anges. C’est donc tout guilleret et léger que j’affronte le froid du dehors, et je suis bien aise de trouver sur mon passage la station Anvers, dans laquelle j’entre dans le bon sens et d’un bon pas.
Après avoir passé la soirée pile-poil au bon Endroit, je me retrouve (heureusement pas à poil, hé hé !) dans la station Anvers. De l’endroit à l’envers, du Paradis de la musique à l’Enfer des chemins de fer. Mais avec la sensation d’avoir passé une excellente soirée, pleine de charme, de punch, de sensibilité, et de dynamisme, que sais-je encore ? Alors, Doña, hasta pronto ! Ou plutôt devrais-je dire : « Aldona, do widzenia » … et au 20 janvier au Bar Cariatides !