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HOT in Translation !

Mercredi 22 juin 2oo5. Je suis aujourd’hui au Centre Technique de Renault à Rueil-Malmaison, où je m’occupe du Centre de Ressources, espace informatisé dans lequel les salariés de ce grand créateur d’automobiles viennent se former tant bien que mal à cette belle langue qu’est l’anglais. Ils travaillent de façon autonome, ce qui me permet de me consacrer aux taches pratiques et administratives. 

f3416a4f71a038e9af3cbf4d21c43b5b.jpgPour cause de Fête de la Musique la veille, mon réveil fut un tantinet délicat ce matin, et conséquemment, j’achève ma journée de travail somme toute relativement fatigué. Le point positif c’est qu’avec cette chaleur torride (au moins 35 degrés) la climatisation a été réparée et fonctionne à nouveau dans le Centre de Ressources ; avant cela, c’était l’Enfer. Donc, en ce mercredi 22 juin, lendemain du premier jour de l’été, on est quand même mieux à l’intérieur qu’à l’extérieur… Durant la journée j’avais réservé par Internet une invitation pour le vernissage de la toute nouvelle exposition d’art contemporain au Palais de Tokyo, assemblage hétéroclite d’œuvres d’artistes nippons ni mauvais. Dans le lot, effectivement, quelques japoniaiseries, mais aussi de vrais joyaux, à propos desquels je m'exprimerai davantage dans quelques lignes. Cette exposition a pour titre Translation, en un subtil jeu de mots qui joue sur les sens français et anglais du terme. 

253fc18db82a535a6e2fd14c38ecdd25.jpgDonc je quitte le Centre de Ressources à 19 heures précises et je fais une sieste express dans le bus qui m’emporte jusqu’à la gare RER de Rueil. Un brin requinqué par ce petit somme providentiel, j’embarque dans un RER à destination de Charles-de-Gaulle-Etoile, où je prends la correspondance (ligne 6, bondée et surchauffée) qui me dépose à quelques encablures du Palais tokyoïte. Vu la chaleur intense, les gens sont court vêtus, ce qui me permet d’admirer de beaux spécimens de la gente féminine. Ainsi, sur les marches du Palais, je croise une jeune femme en robe à pois courte, dotée d’un décolleté proprement vertigineux. Mais revenons sur Terre : après avoir admiré cette belle Pénélope, quelle n’est pas ma surprise de tomber nez à nez avec un collègue (également fort mateur donc) dénommé Ulysse ! On discute le coup 30 secondes devant la porte d'entrée, puis je me dirige vers le guichet d'accueil où j’échange mon e-mail d’invitation contre une minuscule pastille autocollante bleue, précieux sésame m’ouvrant les portes de l’expo ainsi que celles, plus convoitées, du Tokyo Sandwich Market, dont je ne sais pour l’instant pas trop de quoi il s’agit, sinon que c’est VIP et qu’on y trouve certainement de quoi se sustenter… 

A l’intérieur, la foule des grands jours est là, qui se presse pour franchir le Rubicon. 3, 2, 1, c’est parti ! Les cerbères laissent enfin passer les curieux, massés devant l’entrée de l’expo, car les organisateurs ont mis en place un système de filtrage qui laisse passer au compte-goutte les visiteurs, par paquets de 100 ou 150. Enfin je suis rentré ! Les vastes espaces intérieurs me permettent de respirer, même si j’ai toujours aussi chaud. Le Palais de Tokyo est un immense espace aux plafonds hauts, brut de décoffrage et les œuvres sont présentées soit sur les murs (tableaux monumentaux) ou bien dans des zones cloisonnées et décorées de façon assez improbable, à l’aide de vieux posters publicitaires décalés, par exemple. L’ambiance est à la fois kitch et avant-garde, ce qui, déjà, est une franche réussite, et cela me surprend et me séduit d’autant plus qu’elle attire en ce premier jour un public select de connaisseurs huppés. 

926d9b0a7f393062b34bf3a85cf47f97.jpgJe déambule donc, assailli par une chaleur à tomber, au beau milieu des œuvres. Au détour d’une cloison, je tombe sur une œuvre surprenante et suspendue, qui représente une sorte de vaisseau spécial en bois, avec en guise de tuyère enflammée 5 ou 6 drapeaux chinois (donc rouge) dont la comparaison avec les flammes est accentuée par le fait que des ventilateurs cachés à l’intérieur du vaisseau font battre les drapeaux au vent. Je dois dire que je suis revenu admirer cette œuvre à de multiples reprises, non seulement pour sa beauté intrinsèque (bien sûr), mais aussi et surtout parce qu’elle est la seule et unique source de fraîcheur dans cette fournaise japonaise ! Bon, il y a aussi un film qui montre un drôle de garçon, mi-manga mi extra-terrestre, aux prises avec des scènes de la vie scolaire quotidienne, et qui est représenté sous forme de sculpture un peu plus loin dans l’expo. On peut également admirer une pièce dans laquelle sont entassés un tas de poussettes ; le spectateur est invité à suivre un petit parcours, au son d’une diva. Etonnant, non ? 

Au fil de mes pérégrinations, je découvre une porte gardée par un noir à la carrure impressionnante. Croyant qu’à l’intérieur se trouve une œuvre très précieuse qui nécessite une protection rapprochée, je m’approche. Le cerbère me demande si j’ai ma pastille bleue. J’ai ! Je franchis donc le Styx et quelle n’est pas ma stupéfaction (et ma satisfaction aussi) de me trouver tout simplement dans l’Espace Martini. La marque a son propre bar ici, et propose gratis ses dernières créations. Rhâââ, Lovely ! Je commande un Martini Rosso au jus d’orange, bien frais, et je me pose quelques minutes dans cet espace sinon frais, du moins aéré et enténébré. 

Au sortir de ce havre de paix je zyeute une salle que je n’avais encore pas vue, et à la porte de laquelle un attroupement s’est formé. Il n’en fallait pas plus pour que j’aille voir de quoi il retourne. En fait, à l’intérieur était projeté un film assez mystérieux, sans aucune parole, mais avec une musique fascinante et lancinante, qui m’a tout de suite troublé. Dans le film, dans lequel alternent 3 scènes, on voit premièrement un groupe de personnes habillées de noir, en plein désert, qui semblent prier en se balançant d’avant en arrière ; elles forment un cercle. Ensuite la caméra se porte sur d’autres personnes, également vêtues de noir, qui forment une caravane silencieuse et qui avance dans le désert, portant une sorte de catafalque blanc. Toujours cette musique mystique, qui enveloppe le tout. Troisième scène : une enfant assemble des pierres de façon à construire une arène, puis elle creuse à l’intérieur de cet amphithéâtre fait d’une multitudes de petites pierres patiemment assemblés. On sent bien que ce doit être là l’unique occupation obsessionnelle de cette fille, qui se trouve elle aussi dans le désert. Et à la fin du film (qui doit durer une vingtaine de minutes) les trois scènes distinctes se retrouvent en un seul lieu, et là, la musique, je vous dis pas ! J’ai attendu la rediffusion du film pour en connaître le titre : LE PASSAGE de Shirin Neshat (2oo1). Compositeur : Philip Glass

Plus d’infos ci-dessous :
http://www.guggenheimcollection.org/site/artist_work_md_170_1.html

5822048bbbaeaae320804e208b8e149c.jpgJe ressors essoré, proprement hypnotisé par cette installation. Je suis aussi en sueur, car la pièce non climatisée ni aérée, où défilent les spectateurs par groupes de vingt ou vingt-cinq depuis une heure et demi, est un vrai sauna. Je retourne illico presto vers mon vaisseau spatial adoré. Après ce passage venteux, je me dis qu’il est 21h et que le Tokyo Sandwich Market (TSM) vient d’ouvrir. Je me dirige donc vers l'endroit idoine. Là encore, c’est une manie, les gens attendent le feu vert pour monter. Ah oui, j'ai oublié de vous dire, le TSM se trouve dans l’espace lounge tout en haut du Palais. Je monte donc les marches et j’arrive dans un lieu hallucinant, peint tout en blanc et éclairé par des néons multicolores. Disposés à intervalle régulier, des compartiments réfrigérés, qui abritent une sélection variée de salades, sandwiches, tartes salées et sucrées, jus de fruits… Un petit bar se trouve à un bout de la salle, et des serveurs, certes humains mais robotisés par la routine simpliste de leur activité unique (est-ce aussi une installation, je me le demande toujours), se chargent de verser le contenu d'un stock incroyable de bouteilles de bière dans un nombre non moin incroyable de verres prévus à cet effet. Inutile de vous faire un dessin : vu la chaleur à mourir qui règne sous les toits ici, lesdits serveurs n’ont pas chômé toute la soirée. Bon, je profite pour récupérer une bière fraîche et me poser sur un des fauteuils non encore pris d’assaut par la foule grossissante et bruyante. A mes côtés, un couple d’allemands ;je leur demande de me garder mes affaires pendant que je passe au garde-manger. Résultat des courses : petits sandwiches suédois au saumon, tarte salée aux olives & fromage blanc, et moelleux au chocolat… J’en salive encore et je sens bien que vous n’êtes pas loin de le faire vous-mêmes, n'est-ce pas ? Je déguste ces mets délicieux avec mon restant de bière. J‘apprécie la nourriture et le lieu, ainsi que la chance que j’ai eue de dégoter une invitation pour un truc pareil, décalé et avant-garde à mort. Bon, c'est pas tout ça, je m’essuie la bouche et le front, et je vais me chercher une autre bière. A mon avis, le Paradis doit avoir un nom japonais du style Tokyo Sandwich Market… 

e2a1ccf576ddec84425554611489bebe.jpgComme la foule est réellement dense à présent, les stocks de nourriture, bien qu’abondants au départ, ont fondu comme neige au soleil, ou comme moi dans cet environnement tropical. Je reviens avec ma bière, et qui vois-je assise juste en face de moi ? Miss Pénélope légère et toujours aussi court vêtue ! Je guette pour voir si Ulysse n’est pas dans les parages, mais non… En guettant alentours, mes yeux s’arrêtent néanmoins sur deux personnages, sorte de clones d'une espèce fort bizarre, et que je vais vous décrire ci-dessous, mais je dois dire que je suis relativement étonné par ces énergumènes, ce qui est tout de même assez rare chez moi. Vu les têtes qui se tournent en leur direction, je ne suis manifestement pas le seul à être surpris, d’ailleurs. Je commencerais bien par vous faire une description de ce qu’ils ont de plus étonnant, le souci c’est que je ne sais pas ce qui est le plus (d)étonnant chez eux ! Ces deux personnes de sexe a priori indéterminé sont habillées tout en rose, y compris le tutu et les chaussures. Je dirais même plus, y compris le sac à main et le parapluie. Elles ont un fond de teint blanc, et un maquillage que je ne qualifierais pas d’outrancier, mais qui est bien imité. Ces deux personnes sont entièrement chauves. Ces deux personnes sont des hommes, car leurs voix les trahissent. Elles se promènent nonchalamment, discutant de ci de là, de ci et de ça. Ces danseuses mondaines représentent presque le clou de la soirée ! Voilà ce qui s’appelle voir la vie en rose. Je me suis bien demandé, à un certain moment, si la chaleur associée à la bière ne me faisait pas voir des danseuses en tutu rose là où le commun des mortels ne voit que des éléphants, mais je dois bien admettre que j’étais (presque) parfaitement sobre… 

3bef9995a658355585dea84ae5fae8b2.jpgJe travaille tôt demain, donc je me décide à quitter ce lieu, non sans avoir jeté deux derniers regards : à ma Pénélope et aux tutus roses. A l’entrée, la foule est toujours abondante, et je me fraie un passage tel Moïse traversant les olibrius. L’air frais du dehors me ravit à un point, vous ne pouvez pas savoir ! J’ai bien du perdre 5 kilos d’eau ce soir, même si j’ai gagné un Martini et deux bières. Je rentre donc à pied chez moi, en passant, vision de rêve, sous la Tour Eiffel magnifiquement éclairée, et aux couleurs des Jeux Olympiques de 2012. J’ai passé une soirée riche en surprises, en émotion, en découvertes, et je me sens rempli d’énergie comme jamais ! 

Vive le Palais de Tokyo, et vivent les tutus roses !

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