La vie de couple, ce n’est parfois pas un cadeau… C’est le cas de le dire ! Aujourd’hui dimanche, Sandra rentre d’une mini-retraite en Normandie ; on pourrait s’autoriser à penser qu’elle revient apaisée, calmée, sereine, l’esprit empli de pensées positives et plein d’une pratique bouddhiste intense. Ce serait mal connaître l’animal… Vous allez voir, ou plutôt lire.
En ce beau dimanche, froid mais ensoleillé, dans l’attente du retour de ma dulcinée et plein de bonnes intentions, j’ai acheté deux bouquets que j’ai disposé sur notre autel, et, ayant réceptionné par la poste 5 livres spirituels, cadeaux d’une amie de Sandra, qui est coutumière de ces généreux envois, je les ai placé dans chaque pièce de notre appartement, pensant et espérant faire plaisir à Sandra lorsqu’elle les découvrirait un par un. Je ne vois rien de répréhensible ou de délictueux dans cette attention guidée par l’amour et la volonté de faire plaisir. Mais je dois me tromper...
Sandra découvrit le premier livre au pied du Bouddha, et fut toute réjouie, dois-je dire, de cette marque d’attention. Puis, lors d’un passage dans la salle de bain, elle trouva le second ouvrage ; elle me dit, toujours enfermée dans la salle d’eau, qu’elle l’avait déjà lu. Jusqu’à présent, pas encore de merci. Tiens, du reste il n’y en aura pas… Je ne réponds pas, n’ayant pas pour habitude de communiquer au travers de portes closes.
J’aide Sandra à défaire son sac, elle me répète au moins cinq fois que je dois ranger son châle dans le placard, j’avais compris dès la première fois, merci, quand soudain elle met à jour le troisième livre planqué dans une pile de vêtements que je savais qu’elle allait manipuler. C’est ce troisième livre qui fit déborder le vase, si je puis dire… La contenance dudit vase semble être relativement limité, ceci dit.
Symptômes bien tristement connus d’un manque de contrôle de soi : la voix qui dérape dans les aigus, le ton qui monte proportionnellement au niveau des décibels. Qu’ai-je donc fait de si mal pour mériter une telle réaction verbale ? Offrir des livres, ou, du moins puisque je ne les ai même pas achetés directement, mettre en valeur le cadeau d’autrui dans un souci de faire plaisir ? J’imaginais que recevoir des cadeaux était quelque chose qui provoquait sinon de la reconnaissance, du moins du plaisir, et non des crises de nerf… Trop naïf sans doute !
Le plus beau, c’est la raison profonde de l’emportement de ma « douce et tendre » : elle me dit (comme si j’avais commis une faute ou avais été en quoi que ce soit un coupable ou un instigateur mal intentionné) : « Tu ne vois pas tout ce que j’ai à faire, quand veux-tu que je trouve le temps de lire tout ça avec le travail qui m’attend ? » ; je réponds gentiment et naïvement qu’elle n’est pas « obligée » de lire l’ensemble des livres à la seconde même, et que ces cadeaux lui appartiennent, donc elle pourra les lire lorsqu’elle aura plus de temps pour elle. Je lui dis que moi aussi j’ai des livres en attente, et je suis content de les avoir sous la main pour le moment où j’aurai le temps de les lire… Ce sont des choses qui arrivent ! Je rajoute que je n’ai jamais vu ce genre de réaction épidermique (naïf, mais pas stupide non plus, je n’ai pas prononcé ce mot-là quand même !) lors de la réception de cadeaux, à plus forte raison s’agissant de livres, et a fortiori s’agissant de livres spirituels.
Que n’avais-je pas dit là ! J’ai du y aller un peu trop fort, faut-il croire… Sandra s’est mise en colère et à crier encore plus fort. Me hurla presque que ces cadeaux sont « malvenus », comme si, lui offrant ces ouvrages spirituels sur un plateau, je l’obligeais du même coup à les lire dans la minute même, et conséquemment je l’empêchais de se consacrer à autre chose – notamment ses études ! Elle a en effet deux livres sur le coaching à lire, dans le cadre de ses études, que je lui avais acheté juste avant son arrêt de travail de trois semaines au cours duquel, sans être méchant, je pense qu’elle aurait eu le temps d’y jeter plus qu’un simple coup d’œil au lieu de courir à droite et à gauche, tout en se plaignant à l’envi et à qui voulait bien l’entendre qu’elle manquait de temps (sic) et qu’elle était débordée !
Bon, face à ce grain soudain et subit, je récupère illico presto les autres bouquins que j’avais planqué à des endroits stratégiques, et je lui dit calmement que je la comprends mais qu’elle n’a pas besoin de crier, et encore moins de me crier dessus. Je suis tout à fait apte à écouter et entendre tout ce qu’on veut bien me dire, à condition que cela se fasse avec calme, mais c’est définitivement en dessous des capacités de Sandra de simplement dire les choses. Non, elle, elle les crie. Chacun son truc. Son vecteur principal de communication avec moi, c’est l’hystérie.
Tâchant de conserver mon calme, je me retrouve à coucher sur un écran ce que j’aurais aimé pouvoir dire en face à celle que j’aime, ce qui suppose que ladite personne soit en état d’entendre, et ce qui n’est clairement pas le cas. Je n’ai pas pu garder mon calme plus longtemps, dois-je avouer, lorsque Sandra s’est mise à perdre le peu de self-control qui lui restait, et à m’abreuver de ses commentaires culpabilisants et exagérés par la haine. La haine, soit l’un des trois poisons favorisant les états d’esprit négatifs, selon le bouddhisme. Ah, tiens, dans le lot il y a la colère aussi…
Impuissant devant cette logorrhée interminable, je lui dis que je trouve sa réaction un tantinet disproportionnée et intolérable. Ce n’est d’ailleurs pas tant sa réaction en tant que telle qui m’insupporte, que la façon de la communiquer, irrémédiablement agressive et verbalement violente, et surtout bloquant toute velléité d’apaisement. L’intolérable, c’est que cette attitude soit celle d’une personne se disant bouddhiste, et en plus revenant d’une mini-retraite au calme dans des conditions rêvées… L’intolérable, c’est le pétage de plombs sans signes avant coureur, définitif, inopiné, explosif, et hors de tout contrôle, fut-il endogène ou exogène. L’intolérable, c’est cette prise de conscience forcée de me dire que je vis avec une bombe atomique à retardement, et que je n’ai pas la vision du compte à rebours.
Sandra aurait définitivement du être électricienne ou artificier.
Du coup, je prends ma sacoche, mes cliques et mes claques (à défaut de lui en administrer une paire, ce qui ne résoudrait de toute façon rien du tout), et je m’éclipse vers des cieux et des lieux plus sereins, sans demander mon reste et sous les cris redoublés.
Comment vouloir, comment pouvoir envisager un futur quelconque, et partant, s’y investir, avec ce genre de personne hystérique dont je sais qu’elle peut devenir incontrôlable à tout moment, telle une substance réactive et hautement instable ?
Telle est la question, en effet. Mon grand tort, ma grande faiblesse sans doute, est de ne pas vouloir voir la réponse en face sans éprouver un sentiment intense de profond gâchis… C’est mon tort. Et avoir tort tue, à moins d’avoir la carapace dudit animal ! Je ne voulais décemment pas finir sans une ch’tite pirouette car, finalement, toutes choses se tassent, et passent comme elles sont advenues… jusqu’au prochain embrasement. Ah oui, tiens, Sandra aurait aussi pu être pyromane, au bout du compte…