Mardi 11 mars 2008 | Journée de boulot à Clamart, tout se passe bien, je déguste ma pizza du mardi avec toujours autant de délectation. Je fais connaissance avec deux nouveaux apprenants. J'apprends une mauvaise nouvelle vers 16 heures : les listes de droite vont fusionner dans le Quinzième, rendant une victoire de l'équipe Hidalgo assez improbable... coup dur. Vers 17 heures 30 je me mets en route pour Meudon où je donne un cours d'informatique de 18 heures à 19 heures 30, puis je récupère un bus, un RER et un métro pour me rendre au Gaumont Parnasse où j'ai finalement prévu d'assister à l'avant-première du film MR73. J'arrive à 20 heures 20, la projection n'a pas encore débuté. J'avais réservé ma place sur internet depuis mon Centre de Ressources dans l'après-midi - bien m'en a fait, la salle est comble. Je trouve une place assise au troisième rang, parfait, quand soudain j'entends mon nom derrière moi. C'est une Peupladienne qui m'a reconnu et avec qui j'échange quelques mots... Rhââ, la célébrité ! Sensation pas désagréable, ceci dit, je ne le cacherai pas... Soudain, l'équipe du film arrive, fatiguée d'avoir enchaîné entrevues et la première hier soir. Tous les acteurs sont là à l'exception de Daniel Auteuil. Quelques mots sous les applaudissements, et le film commence.
MR73, c'est du lourd. Du très lourd. C'est pas Peace & Love, cette affaire-là. C'est de l'humain, de la chair et du sang. Pas mal de sang. Pas mal de scènes assez macabres, pas mal de mal-être et pas mal de talent aussi. Jamais vu des acteurs fumer autant dans un film. Auteuil est tout simplement magistral dans son rôle de flic rongé par les remors et la culpabilité. Olivia Bonamy, en femme traumatisée, est nonobstant lumineuse. L'histoire est inspirée de faits rééls, comme le soulignera le réa après la séance. Olivier Marchal avait déjà commis le très bon 36, Quai des Orfèvres, que j'avais vu au cinéma Saint-Lambert, et adoré. Ici, il va encore plus loin dans la noirceur, dans le tourment indélébile et dans le côté sombre de la force (de police) ; L'ambiance de Marseille, dans son aspect interlope, délétère et sordide, est restituée avec réalisme. Le réa prend juste quelques libertés avec certains décors, et les voitures de fonction des flics sont des Chrysler flambant neuves. Mais ce côté esthétique est assumé, ça lorgne avec bonheur du côté des films de truands américains, des westerns urbains que ne renierait pas un Michael Mann...
Et les acteurs sont sublimes, à commencer par celui qui innonde l'écran de son incroyable talent : Daniel Auteuil. Dès les premières images, il impressionne, vraiment. On dirait que le rôle a été écrit pour lui, alors de Depardieu était aussi sur les rangs. Ce flic alcoolique, puant, sale et désespéré, c'est une composition inoubliable. Film sur l'oubli impossible, les affres d'une perte irréparable. La descente aux Enfers d'un flic miné par la culpabilité, par la douleur de la perte de sa fille, par la soufrance engendrée par la situation végétative de sa femme, suite à un accident de voiture dans lequel il n'était pas, puisqu'il était ailleurs. Dans de beaux draps, mais pas aux côtés de sa famille décimée. Le film nous narre sa propension à se fourrer dans de sales draps, à être repris à l'ordre, à nager en eaux troubles. Pas de rédemption possible, sinon celle qu'il s'inflige lui-même. Noir, on vous dit. Plus noir que noir, d'ailleurs. La noirceur est palpable jusque dans la photo, les lumières sont crues, comme à l'approche d'une Apocalypse inévitable et salvatrice. Vous avez dit nihiliste ? Bref, un film torturé, marquant, traumatisant. Une perle noire comme on aimerait en voir plus souvent. J'adore ces amiances glauques et ces descentes aux Enfers programmées et cette noirceur amère. On en sort secoué, groggy, chancelant, marqué. Pas un film à voir un soir de blues. Le genre de film de genre qui ne nous épargne rien. Film-uppercut qui sonne plus sûrement qu'un direct du droit. Et l'instrument rédempteur, ce fameux MR73, pistolet des forces spéciales unique en son genre, plus beau qu'une femme dira même l'un des personnages... Je n'irai pas jusque là... MR73. Nul doute que ce chiffre-là, à l'instar du 36 du Quai des Orfèvres, portera chance à son réalisateur, lui-même ancien flic, et qu'est orfèvre aussi... Le film est inspiré d'histoires vraies, y compris le tout début, la scène d'ouverture magistrale qui nous plonge direct dans la psychologie suicidaire du anti-héros Auteuil. Il n'en est que plus frappant.