Je sors de la séance de Million Dollar Baby secoué comme un boxeur ayant pris un mauvais coup. Mais il s’agirait là plutôt d'un coup au moral. C’est en effet peu dire que ce film mérite amplement ses 4 Oscar, dont l'Oscar du meilleur film et celui du meilleur réalisateur, doublé que Eastwood avait déjà réalisé avec son film Unforgiven, il y a un peu plus de 10 ans. C’est peu dire que Eastwood signe là un chef d’œuvre qui va bien évidemment largement au-delà du simple film de boxe (mais c'est aussi un excellent film de boxe, dans sa première partie, avec tous les ingrédients qui apportent une grande véracité au récit : enchaînement des combats, implication du manager dans les matches, démarches pour trouver des adversaires, magouilles pour organiser les rencontres, sens du détail quant aux postures sportives...) Il a mis en scène en prenant le temps, avec un sens aigu de la retenue (le contraire de son personnage principal, Maggie Fitzgerald, qui expédie ses matches en 1 round, comme si pour elle, justement, le temps était déjá compté) un véritable joyau (c’est un film joyau à défaut d’être un film joyeux), et il interprète lui-même un Franckie Dunn dont le monolithisme émotionnel premier se fendille à mesure que les rounds défilent et que l’amour naît entre lui et sa protégée (mais on ne le comprend qu’à la fin, quand effectivement il est trop tard et que les sentiments non dits ne peuvent plus s’exprimer que dans un passage à l’acte final dramatique, geste d’amour ultime qui laisse Franckie (et le spectateur) sur le carreau...