Vendredi 3 novembre 2006. J’avais prévu une rencontre au sommet avec mes amis du TCR, et j’étais rentré en contact avec tout le monde ; seul me manquait le feu vert de Sèm, qui s’y était mise, au vert. Elle avait profité du 01 novembre (jour férié dont nous sommes tous férus) pour faire un long pont bien mérité, et je reçu de sa part un message me signalant son absence jusqu’à dimanche soir. Qu’à cela ne tienne, je ne voulais rien faire sans sa présence (surtout que genre de réunion plénière est finalement assez rare), et donc j’ai prévenu les autres compères que le rendez-vous était reporté à la semaine suivante. Normalement ça devrait toujours le faire, comme on dit. Du coup, je disposais de ma soirée ; après ma journée de boulot, je suis repassé à la maison et j’ai commencé de regarder The LadyKillers, excellent film des frères Coen, que je décidais d’enregistrer. Tom Hanks est innénarable dans ce film, et les autres acteurs de cette comédie raffinée ne sont pas en reste ! Mais je devais passer à L&E récupérer le planning de Sandra et le mien, et prendre des documents que je laisserai devant la porte de Sandra, non loin de chez moi. J'abrégeai donc mon visionnage et je me couvrai d'un long manteau pour faire face au froid polaire qui s'était abattu sur Paris depuis quelques jours... Comme j’étais dans les environs de Javel, je me dis qu’un petit film me ferait certainement du bien, car je me sentais un peu seul ce soir, un peu désoeuvré, un peu déprimé. J’avisai un petit restau italien qui ne payait pas de mine Avenue Emile Zola, et je me fis un petit dîner tranquille (vers 19 heures, j'étais tout seul dans le restau !) avant que de rejoindre le MK2 Beaugrenelle. Je prévoyais d’aller voir PRÊTE-MOI TA MAIN, car les extraits que j’en avais vu laissaient présager une bonne comédie ; je me dis que j’avais le plus grand besoin d’un bon bol d’air frais et de me changer les idées. Après une bonne pizza agrémentée d’un petit rosé italien qui va bien, d’une mousse au chocolat et de l’obligatoire café, j’arrivai juste à l’heure au cinéma, je trouvai un siège pas trop mal placé, et Zou, place à la comédie !
En réalité, ce film excellent est, certes, très drôle (plusieurs passages ont même été applaudis) mais il foutrait un peu le bourdon aussi que cela ne m’étonnerait pas… Les acteurs y sont tous très bons, à commencer par Chabat, toujours très juste et fin comédien, et surtout Charlotte Gainsbourg, réellement craquante en future femme de location qui fait tout pour se faire aimer du clan féminin (la famille très matriarcale de Chabat), puis tout pour s’en faire détester. La morale de cette histoire c’est qu’il faut bien sûr mieux s’assumer plutôt que de s’enfoncer dans des mensonges ravageurs. Mais le point central du film, c’est bien évidemment la véritable histoire d’amour qui va se nouer entre les acteurs de pacotille : le faux futur mari qui cherche à dégoûter sa famille de l’idée même d’un mariage, et la fausse future femme qui ergote sur son contrat et les heures supplémentaires passées à faire semblant d’être la femme idéale. Et là, par petites touches impressionnistes, qui font mine de ne pas y toucher, je me suis laissé toucher. Chabat devient amoureux de son actrice, qui, elle, se fiche royalement de lui et ne bosse que pour l’argent. Il y a quelques scènes vraiment émouvantes, comme ce vrai dîner, prélude à un début d’histoire d’amour, mais qui tourne court par la faute du patron de Chabat qui doit déménager ses meubles pour faire bonne figure lors d’un prochain contrôle fiscal. Il faut voir le visage dépité de Charlotte, qui comprend que le dîner va passer à l’as ; autre scène touchante, celle où Chabat tombe sur une cassette d’un enfant brésilien que charlotte a bien du mal à adopter. Nos deux loustics vont finir par s’aimer au grand jour pour ce qu’ils sont vraiment, mais les péripéties comiques du film sont réellement bien trouvées. Les second couteaux ont une consistance rare, et la famille au bord de la crise de nerf vaut le coup d’œil aussi !
J’ai en fait retenu de ce film les moments d’apesanteur, dans lesquels Chabat et Charlotte apprennent à s’apprécier mutuellement, se découvrent ; ces instants hors du temps sont très bien rendus, et les émotions subtiles parfaitement interprétées par les vrais acteurs de cette farce dramatique, qui finit (un peu trop vite et facilement) bien. Charlotte est resplendissante et vraiment mignonne. Je crois que pas mal du film repose sur ses épaules, du moins pour la partie dramatique ; Chabat endosse quant à lui avec une aisance déconcertante le rôle du clown blanc qui lui va si bien. C'est cette love story improbable que l'on voit s'esquisser sous nos yeux qui m'a vraiment le plus marqué. Les moments d'intimité entre les deux futurs vrais toutereaux qui ne s'avouent pas encore qu'ils s'aiment... In fine, gros coup de blues sur le chemin du retour, dans le froid parisien et les rues tristes et ternes d'un mois de novembre glacial. Arrivée chez moi. Envie de coucher ces quelques sensations diffuses sur ces pages, en écoutant en boucle Are We In Trouble Now, de Mark Knopfler. Cette chanson belle à pleurer, récurrente les soirs de spleen, raconte une rencontre inattendue et inopinée, et les questionnements et les chamboulements qui en découlent. Les interrogations et les doutes. Mais la chanson, pour déprimante qu’elle puisse être musicalement (ah, cette ambiance country pesante et décalée, ces guitares plombées, cette complainte vocale...), finit bien, puisque les deux personnes décrites finissent par se trouver pour de bon. Je suppose (et je ne le sais que trop bien) que les sentiments suivent leur lent cheminement, que la vie va à son rythme, et nous suivons notre parcours personnel, ballotés entre rires et larmes, entre espoirs et désillusions... pour enfin se libérer des craintes et des doutes ?
Mais je ne veux pas finir cette note à cœur ouvert sans vous dire, chers lecteurs, que demain est un autre jour et que la nuit se chargera, cela je le sais aussi, d’éliminer toute trace de blues et de restaurer le dynamisme et la vitalité qui me caractérisent. Demain sera fait d'autres rencontres, d'autres évènements (dont un moment de franche convivialité au ZOO, avec des gens de coeur) ; je crois que c’est une qualité que de se laisser porter par ses émotions et les vivre intensément, jusqu’au bout. C’est en étant triste que l’on apprécie à leur juste valeur les moments joyeux, et c’est en sachant que la vie n’est pas toujours joyeuse que l’on souffre moins lors des moments tristes…