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théâtre-bastille

  • Une pièce... Sensationnelle ! Pierre MOLINIER

    J’ai souvenance d’une magnifique pièce, peut-être la meilleure à laquelle il m’ait été donné d’assister, qui s’intitule : Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée… Je la vis au Théâtre-Bastille début 2005 me semble-t-il. Cette pièce tout à fait libertaire et sensuelle se veut un hommage (fort réussi) à Pierre Molinier, suicidé le 3 mars 1976, artiste vénéré par les surréalistes, et, entre autres choses, peintre, photographe fétichiste et érotomane, doublé d’un homme à l’esprit sensible et fin. Ses derniers mots, couchés sur le papier de sa lettre d’adieux, furent : « ça me fait terriblement chier de vivre et je me donne volontairement la mort et ça me fait bien rigoler. J’embrasse tous ceux que j’aime de tout mon cœur. P. Molinier »

     

    medium_1601mmd_molinier.jpgQuid de la pièce ? tout d’abord, a posteriori, ce qui surprend le plus, c’est la justesse d’interprétation (et le mot est comme la chair, faible) de Pierre Maillet, son troublant mimétisme (jusque dans son prénom et ses initiales, rendez-vous compte !) avec l’original Molinier (dans tous les sens du terme) ; la voix de fausset, les quintes de toux récurrentes, les tics de langage uniques et imagés, le rire si inimitable et pourtant si parfaitement reproduit par Maillet, l’accent bordelais ou encore la liberté de ton de Molinier : l’on retrouve tout cela dans l’époustouflante composition de Pierre Maillet. La pièce est terriblement enivrante, originale mais tellement nécessaire en ces temps d’ordre moral et de formatage généralisé. Il suffit de considérer le ralliement d’une personnalité comme Doc Gynéco à Nicolas Sarkozy, et ça fait bien rigoler ! Molinier n’était certes pas formaté, tout au plus pourrions-nous dire qu’il était fort mateur… et grand admirateur de son propre corps, jusque dans la mort, puisqu’il mit en scène son suicide en plaçant un miroir en face du lit dans lequel il se fit exploser le ciboulot à l'aide d'un Colt 44. Et je suis sûr que cela le fit effectivement bien rigoler.

     

    medium_Mes_jambes4.jpgLa mise en scène retranscrit admirablement l’atmosphère et l’ambiance sensuelle et érotique de l’appartement de Molinier, à Bordeaux, rue des Faussets -- cela ne s’invente pas. Là encore, quelle fantastique ironie qui fait que celui qui naquit à Agen en 1900 et qui voulait, selon ses propres termes « transformer le monde en immense bordel » ait vécu précisément dans le bordel…ais ! Mais je pourrais disserter des heures sur cette pièce, authentique oasis de liberté qui brise les tabous -- Molinier raconte comment, jeune homme, il s’est laissé enfermer dans la chambre mortuaire de sa sœur pour jouir sur elle, dans un élan de générosité – il dira que le meilleur de lui-même est parti avec elle, ce qui est tout de même, en dehors de tout contexte funèbre, fort drôle, non ? Cette prestation à couper le souffle (je l'ai presque vécue comme un one-man-show, tellement le jeu de Pierre Maillet emporte tout) m’a insufflé une sacrée énergie au final. J’en aurais bien redemandé, mais malheureusement, point de rappel au théâtre, sinon celui qui consiste à applaudir un bon quart d’heure la troupe (Pierre Maillet en tête) et le metteur en scène Bruno GESLIN, et ce à juste titre.