Vendredi dernier, le 16 novembre 2007, je devais donc assister à la pièce Alice, au Théâtre de l'Aire Falguière à 19 heures, mais comme j'en fus le seul spectateur (et qu'en plus j'avais une invitation), la représentation n'eut simplement pas lieu, ce qui ne m'a pas empêché d'aller prendre un verre en compagnie du directeur de la Troupe et des deux comédiens, on ne se refait pas ! Après cette séance théâtrale avortée je me suis dirigé vers Convention pour aller voir un film qui me disait bien, en compagnie des indéfectibles Curriculum et Vitae. Ce film, c'est American Gangster, que je place d'emblée au Panthéon de mes films préférés, au côté de Collateral ou Miami Vice, par exemple...
Je retrouve avec joie le réa de Blade Runner (voir le petit article que j'avais consacré à ce film exceptionnel) ou de Gladiator, dans ses bonnes oeuvres, en forme et plus au top que jamais. J'ai toujours beaucoup aimé Ridley Scott, qui a filmé quelques-uns des énormes succès du cinéma contemporain (Alien, Blade Runner, Thelma & Louise, Gladiator), mais toujours (ou du moins la plupart du temps) avec un profond sens de l'esthétisme et une profusion de plans hyper léchés. American Gangster ne déroge pas à la règle. Ce film est une véritable leçon de cinéma, tous les types de plans doivent être présents dans American Gangster. On y trouve des scènes d'action, caméra à l'épaule, et des scènes narratives, en plan américain (of course) ; les images sont travaillées, la mise en scène des personnages et des éléments du décor a visiblement fait l'objet d'une recherche approfondie... Bref, on retrouve un grand Ridley Scott ! D'ailleurs le film a plutôt bien démarré dans les salles, celle dans laquelle nous vîmes ce chef d'oeuvre était pleine, du reste. Il faut croire que les gens vont plus volontier au ciné qu'au théâtre...
Mais on retrouve aussi et surtout un excellent Russell Crowe, et un non moins bon Denzel Washington. On avait un peu perdu de vue notre ami Russell, qui restera pour moi et à jamais le Docteur Jeffrey Wigand dans mon film préféré, The Insider, de Michael Mann, et avec aussi Al Pacino. Et bien, coucou le revoilou ! Il joue cette fois-ci le rôle d'un flic incorruptible, sorte de Eliott Ness baba cool, risée de ses collègues pour n'avoir pas gardé 1 million de Dollars trouvé dans un coffre de bagnole... Incorruptible, je vous dis. Son personnage est très humain, d'un côté super pro dans le boulot, et en même temps très sensible, très incertain dans sa vie privée, qui part d'ailleurs en quenouille. Voilà-t-y pas que le Ridley, il nous refait le coup du noir et du blanc !! Bon, OK, ce film est inspiré d'une histoire vraie, donc le coup du noir et du blanc n'a pas été créé de toute pièce, mais il est vrai qu'il y a un côté assez manichéen dans cette oeuvre, même si le thème central du film est quand même la corruption qui règne dans les rangs des flics. Et puis il y a Denzel Washington. Alors lui, c'est la classe faite homme. Gangster, d'accord, mais attention à l'alpaga à 25.000 dollars ! Denzel, il tue, mais avec distinction. Rien ne le répugne plus que le manque de savoir-vivre, l'absence d'éducation. Évidemment, il va lui-même finir par désespérer sa propre mère.
J'en aurais des choses à dire sur ce film, pas mal de commentaires me sont venus en tête lors du débriefing post cinoche ; mais je dois absolument retourner voir ce chef d'oeuvre. Je referrai une note à l'occasion. Ah si, bien évidemment j'allais oublier le plus important. Les décors, les costumes et la musique : tout droit sortis des années 70, et pour cause, le film s'y déroule, dans les seventies. Attention, la bande originale est à tomber, que des tubes des années 70, que je me suis surpris à rythmer de mon pied. Les ambiances 70's sont très bien reconstituées, les costards couleur crème, les pattes d'èph', les chemises à col jabot, tout y est ! Les bagnoles, les coupes de cheveux, même les attitudes sont estampillées 1970. Trop fort. Moi qui ai une nostalgie énorme de ces années-là, qui m'ont vu naître, j'ai adoré cet aspect du film. Mais l'histoire vaut son pesant de cacahouètes aussi ; en réalité on ne parle guère de cacahouètes dans le film, mais plutôt de poudre blanche traitée par des noir(e)s. Savons de poudre d'héroïne compactée, que des blacks à poil se chargent de transformer en poudre ; on les fait bosser nues afin qu'elles ne puissent rien voler de cette précieuse marchandise. Même ce détail doit être véridique.
Bref, allez voir ce polar noir (et blanc), assez violent, mais aussi fondé sur une certaine éthique (du côté du flic, certes, mais de façon plus surprenante aussi du côté du gangster) ; l'un des thèmes abordés est aussi le temps qui passe, et qui transforme inéluctablement les choses, les mentalités, les situations... Denzel Washington prend la relève de son mentor, qui meure sous ses yeux dans une sorte de supermarché impersonnel, où personne ne sera là pour appeler l'ambulance... Et Denzel Washington finit par ne plus comprendre tout à fait un monde qui change à vitesse grand V, lui qui s'accroche aux coutumes initiées par feu son mentor, lui qui se comporte selon des règles de conduites d'un autre âge, dictées par le respect et le goût du travail bien fait... L'une des meilleures scènes (une des plus fortes en tous les cas) est sans conteste celle dans laquelle le flic juif incorruptible rencontre en face-à-face le black magouilleur. Un duo/duel à couper le souffle ! On sent toute la subtilité des personnages, leur intelligence, leur respect mutuel. J'ai une petite préférence, bien sûr, pour le flic incorruptible, un brin loser et un tantinet désabusé. Je n'en dirais pas plus, allez donc voir American Gangster, il remportera tous les suffrages haut la main, à n'en pas douter !