La note in extenso et verbatim (bein oui, verbatim, je ne pouvais pas le laisser passer, celui-là) de Jacques Attali, extraite de son BLog, en date du vendredi 25 janvier 2008 ; je vous laisse juger :
"Préparer ce rapport fut l’occasion d’un formidable voyage en France : des centaines d’auditions, des dizaines de milliers de suggestions, des visites passionnantes. Avec trois conclusions majeures :
D’abord, la désespérance croissante des plus fragiles, (jeunes, femmes, séniors, minorités de toute nature), mis à l’écart, non reconnus, oubliés, recevant parfois à peine de l’Etat une indigne mendicité et comprenant que leur avenir est sacrifié .
Ensuite l’extraordinaire morgue des élites anciennes, (détenteurs de rentes, petites ou grandes), accaparant une part immense des richesses produites, vautrées sur leurs privilèges, sachant parfaitement les défendre, sans même chercher à en justifier le maintien par un quelconque simulacre de modernisation.
Enfin, la formidable mobilité des élites nouvelles, (créateurs, entrepreneurs, chercheurs, animateurs sociaux et éducatifs), fantastiquement dynamiques, créatives, imaginatives ; mais de plus en plus réceptives aux sollicitations venues d’ailleurs, de moins en moins loyales à un pays dont ils se ne sentent pas solidaires , de plus en plus soucieuses de leur avenir personnel, pretes à partir à la première menace : elles sont comme un oiseau sur la branche.
Face à cela, une élite politique et administrative de plus en plus résignée, de moins en moins courageuse, de moins en moins honnête : Au gouvernement, dans l’opposition, au parlement, dans l’administration, au patronat, dans les syndicats chacun sait ce qui ne va pas, chacun connaît les gaspillages, les doubles emplois, les impasses, tout le monde les murmure en cercles fermés , d’un air entendu , mais nul n’ose les reconnaître publiquement. La phrase que j’ai le plus souvent entendue de ces gens là, tout au long de ces mois d’enquête, fut : Dites- le dans votre rapport, parce que moi, je ne peux pas le dire. Et pire même, ceux qui ajoutent : Si vous le dites, je serai obligé de vous critiquer, mais pas trop fort, parce que je voudra bien que ca change, mais, vous comprenez, je ne peux pas me permettre de le dire publiquement et de prendre le risque de perdre les prochaines élections…
Alors, nous le disons dans notre rapport. Et bien des propositions qui s’y trouvent seront critiquées en public par ceux là même qui nous les ont suggérées en privé.
Ainsi va la France, heureuse, richesse, puissante, enviée, prometteuse. Jusqu’à ce que l’envol des derniers oiseaux sur la branche en signe l’arrêt de mort. "