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kill to get crimson

  • KILL to get Crimson

    bbb6026185a34e9f0bab681f3f6cd74a.jpgJe n'ai pas eu le temps, encore, d'écouter dans sa totalité ce nouvel opus de Mark Knopfler. A cela, une raison pratique et musicale. Pour cause de voisinnage susceptible, j'ai installé une chaîne Hi-Fi dans ma chambre, où l'écoute de musique à volume sonore élevé dérange moins. Or, il se trouve qu'à chaque fois que j'ai tenté d'écouter ce CD, je me suis endormi avant de pouvoir entendre l'intégralité de l'album... Non pas que celui-ci soit soporifique, il serait plutôt mirifique, mais il n'est certes pas de la même veine que certains albums plus grand public de l'époque Dire Straits. Ici, pas de titres tels que Money for Nothing ou Sultans of Swing, à l'efficacité obvie, même si, y compris dans ces titres, toute l'étendue du talent de Knopfler s'exprime dans la description (économe de mots mais pas d'émotions) de scènes de vie, de personnages... On retrouve ce génie dans quelques titres tirés de son premier album solo, Golden Heart, je pense à Done with Bonaparte ou Imelda. Dans Done with Bonaparte, Knopfler décrit avec une justesse impressionnante (et une connaissance historique avérée) les scènes de débandade des pauvres soldats napoléoniens après la tuerie d'Austerlitz. Les pauvres hères pétris de douleur, ayant perdu, qui un oeil, qui un bras au combat. Et qui prient pour ne jamais retrouver sur leur chemin un autre petit Caporal... Mais revenons à ce Kill to get Crimson. Déjà, ce titre est magnifique ! Magnifique parce qu'un brindce88b6d31e3ac158ab44c659f8ebf30.jpg mystérieux ; Tuer pour devenir pourpre ?? Je crois d'ailleurs que c'est la première fois que le titre d'un album de Knopfler ne renvoie pas directement au titre d'un morceau. Ici, ce Kill to get Crimson est issu des paroles d'une chanson. Cette chanson, Let it All Go, est à tomber. Elle m'a presque tiré des larmes de bonheur, cette chanson. Knopfler fait montre, dans cet album, de toute la finesse d'écriture dont il est capable. Ce titre raconte l'histoire d'un jeune artiste dans l'âme mais sans le sou dans les années 30, qui finit par s'engager dans l'armée pour y trouver quelque subside, et termine vieux et un brin désabusé. Le titre de l'album vient de là : il tuerait pour posséder cette couleur pourpre dans sa palette de peintre. Quelle puissance d'évocation, et quelle adéquation entre paroles et musique. Je crois que c'est cela la véritable force, le véritable tour de force même, de ce Kill to get Crimson, qui représente pour moi le paroxysme du génie de Knopfler.
     
    C'est que la musique prend sa véritable ampleur grâce aux paroles, toujours empreintes d'une profondeur, d'une propension à émouvoir, d'une force indicible... Et quelles paroles ! On sait que Knopfler fut professeur de littérature anglaise, et journaliste, et bien il ne démérite pas face aux écrivains dont il a sans doute enseigné les textes... Je suis diplômé d'anglais (Maîtrise de traduction, 1998) mais il m'a fallut chercher moult 022e955714191332d8b0494d62fbf92a.jpgmots rares et littéraires dans le dictionnaire. Mais c'est à ce prix que le sens (la quintessence) des paroles se révèle, et c'est à ce prix que l'on mesure la qualité des textes de Knopfler. Dans cet album, aucun temps mort, pas de chanson bancale ou facile, tous les morceaux valent leur pesant d'or. Même le titre qui ouvre l'album, True Love will Never Fade, s'il m'avait paru simpliste lors de sa première écoute, s'est révélé à moi ultérieurement, lorsque j'ai pris le temps d'écouter avec attention les paroles. Le thème est vieux comme Hérode, un homme et une femme se rencontrent. Mais lui est tatoueur, et Knopfler file la métaphore de l'amour véritable qui ne s'effacera jamais ; il dit le sentiment de joie et de grand mystère qui préside à une rencontre amoureuse. C'est vrai que lorsqu'on aime, plus rien n'a d'importance que l'être aimé, et on se perd en conjecture quant à l'ironie du destin qui met la bonne personne sur notre chemin personnel, comme si cela allait de soi... Lui, le tatoueur, a découvert son Amour penché sur son épaule, exécutant un dessin qui restera comme le symbole de leur union... C'est simplement beau, effectivement vrai, bref, ça résonne forcément dans le coeur de celui qui écoute, l'âme nostalgique de ses amours passées... Un titre qui m'a longtemps trotté dans la tête, une ritournelle qui creuse son sillon, avant que je ne réalise la beauté des images qui se superposent à la musique... Arrangements sobres, discrets, guitares acoustiques le plus souvent, dont les notes subtiles tombent au moment juste, pour souligner tel passage, tel vers. Adéquation parfaite, encore une fois, entre musique, arrangements et instrumentation. Et puis il y a la voix de Knopfler. Même au temps de Dire Straits, elle frappait. Même au temps où Knopfler fumait. Mais il a arrêté de fumer en 1996, et sa voix, à présent douce comme du velours, arrive à faire passer des émotions jadis inaccessibles. Il en joue4af89117dba3a862547d464e7747e224.jpg comme d'un instrument, multipliant les inflexions, en changeant presque à mesure que les divers personnages dépeints se succèdent... Et on retrouve le côté analyse journalistique dans la précision des détails des descriptions des personnages décrits.
     
    Bref, vous l'aurez compris, je suis sous le charme total et absolu de ce disque, qui se ne révèle pas tout de suite, qui demande, à l'instar d'un bon vin, un peu de maturation. Il faut l'écouter et le ré-écouter ; ensuite on ne peut plus s'en passer. Il possède des qualités musicales inouïes, des qualités d'écriture incroyables, une qualité émotionnelle époustoufflante. Il convient de se poser, de prêter attention aux paroles, de se laisser (em)porter par la subtilité du moindre arrangement, du moindre changement vocal, des histoires narrées par Knopfler, de la justesse du jeu de guitare, jamais ostentatoire mais toujours au service des chansons. Kill to get Crimson est la meilleure livraison du leader de feu Dire Straits ; il a su, avec sagesse, s'éloigner des chemins commerciaux des succès aisés pour se recentrer sur la musique qu'il aime, au confluent du blues, de la country, du folk, le tout baigné dans une atmosphère très lénifiante et fascinante de subtilité. A écouter d'urgence ; si vous n'avez qu'un CD à acheter cette année, ce doit être celui-là, vous ne le regretterez pas, car il se bonifie à chaque nouvelle écoute... J'y retourne !