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  • Fort SAGAN...

    Dimanche o6 juillet 2oo8 | Après-midi de détente passée au club de tennis de Vaugirard, endroit atypique, hors du temps, presque anachronique, et terriblement agréable, pour qui, comme moi, y vient en visiteur indolent, passant du bon temps à jouer à la pétanque ou à boire un verre au soleil, entouré des courts de terre battue et des joueurs du dimanche dont les parties sont rythmées par une sonnerie qui affiche-Sagan-2007-4.jpgrappelle celles entendues dans les cours d'école... Après cet agréable interlude farniente, je rentre à la maison pour vérifier mes méls et me poser, puis me prends l'envie d'aller au cinéma ; ça faisait un bout de temps que j'avais envie d'aller voir SAGAN, biographie cinématographique de Françoise et non pas de Karl, dont j'avais retenu a priori (et après avoir vu la bande-annonce) l'épatante interprétation de Sylvie Testut. La semaine dernière, j'avais tenté, déjà, de voir ce film, mais j'étais arrivé trop tard et m'étais rabattu sur l'inoffensif La Personne au Deux Personnes...
     
    SAGAN. Je savais que j'allais aimer, mais je ne me doutais pas que j'allais être secoué comme je le fus... Il n'y avait qu'á voir la tête que je faisait á la sortie du film et á compter le nombre de cigarettes grillées sombrement, pour se rendre compte de l'impact que le film eut sur moi, qui suis, certes, trés sensible aux émotions sur pellicule, qui résonnent subtilement en moi comme une clochette tibétaine au son cristallin et durable...
     
    SAGAN. Un nom (d'emprunt) qui claque comme la bannière noire d'une femme pirate qui, toujours, fut libre et insoumise. Elle ne se fit dompter que par la drogue et une autre addiction, le besoin viscéral d'être entourée, toujours, jusque dans l'intimité et en dépit de son caractère parfois cyclothymique. 
     
    SAGAN, sagace ; SAGAN, agaçante. SAGAN, talent. Le film nous donne á voir le parcours de cette écrivaine au succés foudroyant, qui fit paraître son premier roman á 18 ans, Bonjour Tristesse. Acte séminal qui ouvrira la route á moult autres succés et, partant, á moult excès. Le film fait la part belle aux sagan2.jpgellipses, bien évidemment ; comment résumer une vie - surtout celle-ci - en un peu moins de deux heures top-chrono ? On y retrouve les essentiels : les voitures, la liberté et l'anti-conformisme, la vie amoureuse tumultueuse, sa relation avec son fils mal aimé, son génie littéraire, sa vie mondaine, les drogues, l'alcool... Le film de Diane KURYS, á la mise en scène paradoxalement sage (on ne s'extasie pas devant l'inventivité de la réalisatrice), dispose d'un superbe thème musical, qui m'a beaucoup plu et mu... Mais ce que j'ai le plus aimé dans ce SAGAN, c'est son aspect presque philosophique ; le film est rythmé par la voix intérieure de Sagan, qui distille des pensées, des réflexions, des idées. Soliloques in petto á propos de sa vie, de ses relations, de son oeuvre... Et puis le film doit bien entendu beaucoup á Sylvie Testut, parfaite dans ce rôle qu'elle s'est approprié á force de mimétisme, pour in fine arriver á ne plus copier mais á intérioriser les tics, les mimiques, la démarche, les inflexions, les postures de l'écrivaine. Bravo. Mais plus que cela, qui représente déjà un tour de force, c'est toute l'émotion que Sylvie Testut fait passer qui m'a bouleversé. Ce mélange de vivacité d'esprit, d'intelligence et de sensibilité extrême ; Sagan, comme une équilibriste toujours sur le fil du rasoir, un être égocentrique mais généreux. L'alliance d'opposés qui, en elle, se fondent en un maelström inextricable et sagan.jpgfascinant. Le joli thème musical fait écho á la fameuse "petite musique" de Sagan, ce style inimitable qui l'a rendue populaire.
     
    On voit Sagan travailler, boire du whisky, se droguer, croquer la vie á pleine dent, s'amuser, dépenser sans compter, écrire, souffrir... Ce qui m'a vraiment ému, aussi, c'est cette fuite en avant de Sagan, qui ne supportait pas d'être seule. Le film distille de belles pensées, de profonds et troublants aphorismes, á propos du théme de la solitude. Sagan dit aussi une chose qui m'a marqué : elle dit qu'écrire, c'est comme se confier á un(e) amant(e) intraitable, parfois on hésite, on doute, on n'ose pas, mais lorsque le courage et la force et la sincérité sont lá, alors l'écrit se fond avec la vie, et jamais le résultat ne peut être meilleur. Le film montre aussi la vivacité et l'impertinence et le sens de la répartie de Sagan. Á ce petit jeu, elle était imbattable, et je me suis régalé de ces mots d'esprit rafinés et subtils et drôlatiques. Mais, encore une fois, si je retourne voir ce film, ce sera pour les émotions qu'il suscite, ce sera pour la pétillance de Sagan telle qu'elle est rescussitée par Testut, ce sera pour souffrir de cette longue et inéluctable déchéance, ce sera pour pleurer lorsque Sagan place á dessein au cours d'un plateau de télevision le mot "lustucru" en signe d'amour pour son amie qui se meurt et regarde l'émission de sa chambre d'hôpital, ce sera pour apprécier les petites phrases pleines d'esprit que Sagan distillait du tac au tac, ce sera pour me délecter de cette petite musique si émouvante, se sera pour finalement me revigorer d'une grande fraîcheur d'esprit ! Ce Sagan, je l'ai apprécié comme on goûte un fin Champagne: il contient la force, la sensibilité, la douceur, l'impétuosité, la pétillance, la folie... et la profonde désespérance qui sourd, insidieuse et implacable, qui conduit inéluctablement á un ending pas happy du tout, fait de solitude et de peur et de détresse.