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  • On Guitar Street...

    Au dehors il faisait frisquet, mais pas froid. Une oreille attentive à la musique, l'autre aux aguets des bruits campagnards inhabituels pour le citadin qu'il était, il s'accrochait à ces sensations lénifiantes et à la main qu'il serrait. Silence seulement troublé par quelque bruissement, quelque frou-frou de branchages abandonnés à la brise vespérale. Derrière eux, une vieille bâtisse seulement éclairée de la petite lampe qu'ils avaient laissé allumée et qui nimbait l'ancienne fenêtre d'un halo amical. Ne plus rien ressentir que l'air frais qui faisait vibrer la peau, ne plus rien penser, juste ressentir cet indicible bonheur du partage de la musique, du partage de ce moment inoubliable. Les accords de la guitare de Chris Rea faisaient se dresser les poils plus sûrement que le noroit qui faiblissait à cette heure avancée de la nuit... Les yeux mi-clos, il contemplait avec béatitude la fumée grise de sa cigarette qui se dispersait en fines volutes, vite disséminées par les courants d'air nocturnes. Ils devaient bien être seuls au monde, à cet instant précis ; au dehors, il faisait frisquet, mais pas froid. Pas une âme qui vive aux alentours, juste une ombre aperçue rodant à quelques encablures de l'entrée de la vieille bâtisse. Quelque chien errant, quelque renard en goguette, sans doute. Rien qui ne 384140996.jpgpût perturber la félicité qu'ils ressentaient, seuls en pleine campagne, la tête vidée des soucis urbains, l'esprit à la dérive.  Abandon des coeurs et des corps. Rien d'autre que la douce caresse de cet avenant zéphyr, la douce caresse de cette peau étrangère et pourtant si connue. Le temps, certainement, avait dû s'arrêter. Les étoiles avaient dû stopper leur course folle ; leurs têtes n'avaient pas besoin d'elles de toute façon pour tourner plus sûrement que le plus fou des manèges...
    ...
    On eût dit qu'ils avaient toujours été là, enlacés depuis la nuit des temps, que la voûte céleste avait toujours été au-dessus d'eux, témoin bienveillant d'un bonheur immaculé. Nul besoin d'avoir gardé une trace tangible de ces instants magiques, car ceux-là s'imprimèrent naturellement dans son esprit, en première place, à la lettre A, afin de devenir accessibles à tout moment, de pouvoir ressurgir à la demande ou bien encore d'affleurer à la surface de ses souvenirs à l'instant où il s'y attendrait le moins. D'autres guitares, David Knopfler qui envoûte de sa voix suave, une semblable émotion, l'identique crispation d'une main si familière. Et toujours ces chères étoiles, au-dessus d'eux, accrochées à la voûte du ciel sombre comme à la prunelle de ses yeux à elle. La grande clepsydre du temps s'était enrayée, certainement ; comme un grain de sable malheureux peut contribuer au bonheur de deux êtres ! Au dehors il faisait frisquet, mais leurs corps accolés les préservaient de tout refroidissement. Et les cigarettes se fumaient comme au café des Dunes, et l'écume de cet océan de bonheur les effleurait parfois, léchant la peau en y laissant un goût de sel marin, et leurs instruments perdaient le nord, et la fumée des cigarettes se parfumait d'eucalyptus et de menthe. Et jamais nuit étoilée n'aura autant ressemblé à un fragment d'éternité.