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99 Francs, pas cher mon FILS !

« Tout est provisoire : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi »

Voici les premiers mots prononcés par le héros du livre de Beigbeder, ainsi que par son double cinématographique, incarné avec un certain mimétisme, il faut le dire, par un Jean Dujardin très crédible et à fond dans son personnage. D'ailleurs, le "vrai" (1) Frédéric Beigbeder fait quelques apparitions dans le film, en frère jumeau de Dujardin, frère d'hallucination ; concessions c539bf8b0ee4503fff98c69528bcbc35.gifà l'égo sur-développé de l'écrivain médiatique, ou clins d'oeil à l'auteur originel ? Que l'on aime ou que l'on n'aime pas Dujardin, on ne le voit qu'au travers de son personnage de Octave, ce qui est très bien. Donc, passé le fait que Dujardin soit buvable (même si son personnage est, lui,31feff057727dd39254b2bfad7fb0910.jpg carrément imbuvable), le film 99F est un OVNI (mais OVNI bienfaisant) dans le flot souvent décérébré des films actuels. C'est un film qui ose, un film pour adultes comme je les aime, un film qui se fout des convenances du politiquement correct. Même si Kounen dut faire quelques concessions aux lobbies publicitaires, d'après ce que j'ai lu ça et là ; bein oui, on peut tirer à vue sur tout ce qui bouge, mais faut pas pousser quand même... Tout d'abord, j'ai réalisé avec stupéfaction que le film est réalisé, justement, par Jan Kounen, qui commit juste avant 99F un métrage complètement à l'opposé (quoique... nous y reviendrons) : Darshan, dont la critique se trouve quelque part dans ce BLog. Kounen a pris à bras le corps le roman (pas mauvais du tout, du reste, en tous les cas exceptionnellement créatif) de Beigbeder et en a extrait la substantifique moëlle. Bref, ça dégomme sur tout ce qui bouge, le monde de la pub, la société de consommation, le paraître, le superficiel, la production massive de nourriture ; à ce propos, il est vrai que si l'on avait en tête la façon dont sont produits les aliments que nous ingurgitons avec plaisir (parfois) sans y penser (toujours), on redeviendrait chasseur-cueilleur vite fait bien fait, comme le fait le personnage du film à la fin... Bref, ce film, c'est du lourd. On rigole, mais souvent jaune. La réalisation est vraiment inventive, et Kounen nous gratifie de séquences animées, de scènes hallucinnantes (voire hallucinatoires) et d'une gallerie de portraits pas piquée des hannetons ! 99F, le film, est au moins aussi visuellement créatif que 99F, le livre, est créatif littérairement, et rendons grâce à Jan Kounen pour cela. La scène - ou LES scènes - Christiques en sont le meilleur exemple ; il y même une scène qui reprend la Cène, c'est pour dire ! Bref, c'est une production très saine.

Au-delà de l'histoire et des acteurs, très bons, je retiendrais surtout comme point fort : le propos de l'oeuvre et sa mise en scène, façon uppercut. Quelques scènes sont dérangeantes, mais je dirais "sainement dérangeantes" ; Kounen nous met le nez dans notre merde, pour ainsi dire, il nous fait prendre conscience (et Beigbeder avant lui, avec le succès que l'on sait, mais à quoi fut-il réellement93699bd6c06c972b4419570843e60a8a.jpg dû, au fond ou à la forme ?) de certaines réalités de notre monde ultra déshumanisé, ultra monétarisé, ultra publicitarisé. Chaque année, nous rappelle le film à la fin, 500 milliards de Dollars sont dépensés dans le monde pour la publicité. Kounen nous apporte une lucidité bienvenue, mais devant laquelle on reste nonobstant trop impuissant. Prendre conscience de la vacuité de la publicité, de la vacuité d'un certain type de comportement, OK, mais après ? Après, les changements ne peuvent être que drastiques, à l'instar de ceux qu'effectue Octave en allant vivre sur une île déserte, sorte de Robinson réinventé, mais dont on se rend compte que ce n'était qu'une hallucination, un rêve éveillé, un coup d'oeil furtif sur une réalité parallèle entrevue avant l'instant fatal. Octave se suicide bel et bien. Changement drastique, je vous disais. Mais cet Éden rêvé, ce Paradis de solitude et de contemplation nous renvoie précisément au film précédent de Kounen, Darshan. Oui, on peut vivre coupé de toutes ces chaînes qui nous rendent esclaves (consentants, ou plutôt inconscients) de ce monde pourri. Car, oui, le monde dans lequel nous pataugeons est viscéralement pourri. D'ailleurs, on le voit, il nous ménera à notre perte, c'est une évidence que nous refusons de voir. Mais c'est un autre sujet. On voit bien dans le film que l'inconscience de Octave, son individualisme primaire, le conduit à la mort, décompose son couple - et dieu sait qu'elle est pourtant mignonne, l'actrice qui joue Sophie, sa compagne provisoire. Mais tout est provisoire, en ce bas-monde, nous le savons. L'amour (au premier chef : pourquoi choisir la solitude et le doute d'une rupture alors qu'on pourrait décider d'être, peut-être pas heureux, mais au moins serein, accompli ?), l'art, la planète Terre (et jamais elle ne fut autant menacée qu'aujourd'hui), vous, moi. Surtout moi.

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(1) :Bein voui, au départ, il y a le vrai Frédéric Beigbeder, qui est écrivain. Bon. Ensuite, cet animal là créé un personnage, Octave, qui ressemble comme deux gouttes de vodka d'eau à son créateur. Re-bon. Enfin, Dujardin incarne la représentation cinématographique de Octave, lui-même inspiré de Beigbeder. Vous suivez ? Une vraie Trinité, quoi... Et avec le vrai Beigbeder qui apparait dans le film, c'est un véritable jeu de miroirs, et de quoi en perdre son Latin !

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