Dimanche 19 novembre 2006
Je veux revenir quelques instants sur le film NE LE DIS A PERSONNE, tellement il m’a marqué, et est encore présent en moi. En régle générale je peux être bouleversé par un film (PRÊTE-MOI TA MAIN, QUAND J’ÉTAIS CHANTEUR), mais ces sentiments ne durent habituellement pas. Je m’immerge dans l’histoire, je peux traîner quelques émotions rémanentes, mais je passe vite á autre chose. Je me rends compte que NE LE DIS A PERSONNE déroge á cette régle, car il n’a pas disparu de mon esprit, loin de lá. C’est un film que j’irai revoir. Je trouve que c’est réellement un excellent film. L’histoire, tout d’abord : comment ne pas être touché au plus profond par cette histoire d’amoureux séparés de façon violente, qui croient que l’être aimé n’est plus, alors que chacun d’eux a refait sa vie dans l’ignorance de la survie de l’autre, toujours amoureux comme au premier jour ? Comment ne pas être bouleversé par le regard de Cluzet quand il découvre inopinément sa bien-aimée sur une vidéo amateur transmise par mél ? Comment ne pas être pris á la gorge par ce chassé-croisé faussement posthume, par ces retrouvailles criantes de vérité ? Au-delá de ces aspects scénaristiques, il y a le vrai savoir-faire de Canet, qui s’y entend pour créer des personnages plus vrais que nature, et il y a bien évidemment le talent des acteurs, qui conférent au film un impact émotionnel démultiplié. Et puis il y a autre chose, qui m’apparaît évident á présent : la bande originale, composée par -M- ; il faut savoir que -M- a improvisé la musique en visionnant le film, et la plupart des morceaux sont des premiéres prises. La bande originale a été enregistrée en une journée. Hallucinant comme ce musicien a capté les ambiances pour créer une musique véritablement lancinante, hypnotisante, et qui transmet avec acuité le trouble des situations, des personnages... Je vais acheter cette BO hors-norme, trés minimaliste dans la forme, mais dévastatrice dans le fond.
Le film, au-delá de son aspect thriller, absolument réussi, touche aussi au plus profond par l’histoire qu’il narre. Et les scénes finales sont tout de même assez bouleversantes : la confession du meurtrier, homme brisé magistralement interprété par Dussolier, les retrouvailles symboliques sur fond de coucher de soleil crépusculaire... Et si le film a un côté love-story, il n’en reste pas moins un excellent thriller, halletant au possible (pas un hasard si les meilleures scénes sont des scénes de fuite, d’échappée belle, de poursuite et de cavalcades sans fin), avec, encore une fois, LA scéne d’anthologie (mais il y en a une kyrielle dans le film), lorsque Cluzet provoque un gigantesque carambolage en traversant le Périph’ á pied, poursuivi par une escouade de flics. Ce film est une histoire de chasse, de chasseurs implacables, de prédateurs troubles. Chasse á la femme, volatile et insaisissable, mais aussi chasse á l’homme, innocent mais obligé de fuir la police pour tenter de retrouver celle qu’il aime. L’amour le force á adopter une attitude de fuyard, décontenançant son avocate, et renforçant les suspiscions des policiers, sauf un, Berléand, dans un rôle de composition qui, comme pour beaucoup des acteurs du film, lui vaudrait bien un César. Bref, foncez voir ce chef d’oeuvre, vous ne pourrez pas être déçu. Mention spéciale, of course, á la mise-en-scéne de Canet, brillante, magistrale, (up)percutante, intelligente, sensible aussi ; bluffante, véritablement inspirée. Canet est un sacré réalisateur, on sent qu'il est proche de ses comédiens, et il manie le langage cinématographique avec une précision et un á-propos dignes des plus grands...
Lundi 20 novembre 2006