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  • Fin de Rave au TechnoCentre...

    Voici l’exemple même d’une journée que je voyais venir de loin et à laquelle j’ai tenté tant bien que mal de me préparer. Aujourd’hui jeudi 29 septembre 2oo5, j’ai passé mon dernier jour au TechnoCentre, le gigantesque centre névralgique de Renault, posé au beau milieu des champs et de nulle part, entre Versailles et Guyancourt (78).

    Je voyais venir cette journée de loin car depuis presque un mois, et consécutivement à un appel d’offres portant sur l’ensemble des prestations de formation en langues prodiguées chez Renault, je savais que mon temps là-bas était compté, ma société n’ayant pas été retenue pour poursuivre le travail que ma boss et moi avions engagé depuis quasiment deux ans. Donc ces derniers temps de présence furent assez éprouvants, non pas à cause d’une quelconque acrimonie envers Renault (nous sommes pertinemment conscients de comment les choses se passent, et comment notre travail au jour le jour pèse finalement assez peu en regard de considérations plus financières, voire politiques), mais plutôt parce qu’une ambiance de « fin de règne » est toujours peu ou prou difficile à appréhender psychologiquement. Notre éviction du TechnoCentre ne dérogea point à la règle.

    Le côté positif (il en faut bien un) c’est que, bien que nous fûmes trois sociétés à travailler de conserve, nos relations dépassaient allègrement le cadre purement professionnel, et nous nous serrâmes bien les coudes dans cette mini épreuve. Ces derniers temps, c’était la galère : plus de documents pédagogiques à préparer, finies les activités à créer, terminés les méls en provenance du service Formation : R.A.S., calme plat sur toute la ligne et toute notre attention aux apprenants. Nos pauses furent l’occasion de débattre, d’échanger nos points de vue désabusés sur la situation, de nous auto congratuler, de nous remonter le moral l’un l’autre. Nous sommes accessoirement devenus des spécialistes des sandwiches de chez PAUL. Nous sommes une équipe soudée, il n’y a pas à dire. 

    On arrivait bien en avance le matin (ce qui n’était certes pas une sinécure, eu égard à la distance respectueuse séparant nos lieux d’habitation respectifs du complexe dans lequel nous avons passé les deux dernières années de notre vie), et nous prenions un divin plaisir à prendre notre première « pause » tous ensemble. Oui, c’est un nouveau concept que nous avons inventé là : la « pré pause » ! Nous étions des « pré pausés », pour ainsi dire ; « pré pausés » à quoi, telle est la question, à laquelle il est trop tard à présent de répondre… Mais ce moment de calme avant la tempête était respecté et nul n’aurait su manquer à l’appel. A tel enseigne que si l’un de nous arrivait juste à l’heure (c'est-à-dire vers les huit heures trente du matin) tous les autres (1) s’inquiétaient de savoir ce qu’il avait pu se passer (causes probables du retard, en vrac : bouchons monstres sur l’A13, problème d’accréditation à l’accueil, souci personnel…) et (2) lui tombaient dessus à bras raccourcis ! C'est ça aussi, la solidarité. 

    De plus, pour dépeindre davantage l’ambiance de ces derniers jours, il faut savoir que la communication autour de l’appel d’offres a été relativement floue, et conséquemment nous n’apprîmes qu’assez tard à quelle sauce nous allions être mangés. Pas mal de responsables de sociétés de formation ont débarqué au TechnoCentre dernièrement : entre ceux qui restent et qui doivent se réorganiser, ceux qui partent (ça c’est nous, la fine équipe !) qui doivent faire place nette, et ceux qui arrivent et qui ne pigent que dalle, c’était un joli moment de folie… Cela nous a distrait quelque peu, il faut bien l'avouer. 

    En outre, tout un chacun s’inquiétait de son avenir professionnel, et les délibérations cachées comme les messes basses furent de rigueur… Au final, et c’est là l’aspect positif de l’affaire (tiens, encore un), tout le monde s’est retrouvé dans une situation meilleure qu’auparavant. Mais au prix de moult conversations téléphoniques, maints rendez-vous et entretiens, et pas mal de stress diffus, pour tout dire. Mélange doux-amer de désillusions, d'espoirs, de désoeuvrement teinté de frustration, et toujours faire contre mauvaise fortune bon cœur auprès de nos apprenants qui ne se doutent de rien. Nonobstant, sur la fin, nous leur avons tout de même annoncé que nous étions voués à quitter les lieux, au grand dam desdits apprenants ; je ne dirais pas qu’on s’y amusait tous les jours, dans notre Centre de Ressources, mais enfin ma boss Sémira et moi-même, forts d’une complicité certaine et d’un énorme cœur à l’ouvrage, nous avons apporté notre touche personnelle et avons grandement contribué au plaisir des stagiaires d’être là, tout simplement. Stagiaires qui n’avaient pas tous choisis de se faire suer à travailler sur les objectifs C et D : respectivement vocabulaire des réunions ou des présentations en anglais, pour les profanes ! Le petit mot qui va bien (Sémira), la petite explication technique de tel point de grammaire ou de tel aspect de la phonétique (votre serviteur), et nos blagues, ainsi que notre bonne humeur et notre bon humour communicatifs (le binôme de chic et de choc assigné à résidence) ont fait de ces longues journées des instants précieux et uniques qui resteront gravés dans mon esprit tant que les voitures rouleront. 

    Impression d’avoir marqué de notre empreinte une période dont j’aime à penser que les gens se rappelleront comme de « la grande époque du Centre de Ressources »… Impression identique à celle que j’avais vécu (mais avec moins de prise de conscience peut-être alors) lorsque je quittai la Base Aérienne d’Avord au terme de mes 14 mois de Service Militaire Actif en tant qu’instructeur d’anglais… Des "gens pas comme les autres", nous nous surnommions alors, nous autres instructeurs appelés du contingent… 

    Définitivement, Nabil, Sémira et Valérie, mes distingués collègues (voire concurrents, mais je le répète, foin d’esprit de compétition entre nous, juste une franche camaraderie), sont des gens pas comme les autres, et je me félicite de les avoir rencontrés. 

    Donc, pour revenir à cette journée qui restera marquée d’une pierre d’un blanc immaculé, ce jeudi 29 septembre de l’an de grâce deux mille cinq, il faut encore savoir qu’elle fut précédée par une nuit. Nuit pendant laquelle j’ai dormi. Mal. Je m’étais couché tardivement (vers une heure trente environ) et avais programmé la douce mélodie de mon radio-réveil à cinq heure quarante, prévoyant d’utiliser intensivement la touche magique « snooze » ; debout à six heures, je me douche pour me réveiller, avale un petit déjeuner spartiate, et me dirige vers le RER C, station Champs-de-Mars. J’arrive un peu endormi à Versailles, et j’attrape la navette Renault me conduisant directement au saint des saints. Vouloir faire de son mieux pour inculquer des notions d’anglais de base à des stagiaires pas tous doués en langue (doux euphémisme, que Nabil goûtera particulièrement, lui qui a eu droit plus souvent qu’à son tour à des groupes débutants autant en anglais qu’en français parfois, lui causant nombre de dépressions avancées), c’est en effet un sain dessein.

    Bref, j’arrive devant l’entrée en cette belle et fraîche matinée, et je me dis que c’est la dernière fois (même maintenant j’ai du mal à réaliser…) que j’en franchis le portillon, dûment muni de mon badge à puce que je garderai comme souvenir. Je savoure les quelques dizaines de mètres qu’il me faut parcourir avant d’accéder à cet endroit immense, sorte de cathédrale moderne d’acier et de verre, pharaonique construction dédiée au dieu Automobile, et que les autochtones nomment : « La Ruche » ; sobriquet parfaitement adapté, tant il est vrai que l’activité n’y stoppe jamais et qu’elle fourmille (pour ainsi dire) d'employés pressés qui vaquent à leurs diverses occupations. Au bout du couloir, il est huit heures. Au bout du couloir m’attendent Nabil et Sémira. Un large sourire fend mon visage, tel un réflexe pavlovien élaboré petit à petit depuis deux ans. 

    Mes collègues-amis, mes « pré pausés » préférés, vous allez me manquer. 

    Je colore cette dernière journée d’une touche définitivement nostalgique. Le temps suspend son vol, notre labeur débute, entrecoupé de mini pauses, à intervalles réguliers et curieusement de moins en moins longs… Lunch convivial en excellente compagnie : Mike, Valérie, Edwin, Nabil et Sémira qui, à ma grande surprise s'est fendue d'une bouteille de Champagne ! Royal, un grand Merci, Sèm... Reprise à treize-trente avec le dernier groupe de la journée. Travail collaboratif avec nos remplaçants un peu dépassés par les évènements... Défilé des responsables divers des sociétés variées qui reprennent le flambeau. Les minutes s'égrainent jusqu'à l'inévitable gong final. Inutile de faire la sourde oreille. 

    We call it a day, et nous décidons d’un commun accord de nous retrouver autour d’un verre de l’amitié, dans un petit troquet de la commune voisine, qui serait du reste instantanément rayée de la carte si le TechnoCentre venait à disparaître… C’est que près de 10.000 personnes y travaillent quotidiennement ! 10.000 moins 4, et personne ne s’apercevra de notre absence... Gasp. 

    Nabil, Sémira et moi-même passons un bon moment ensemble. Nabil nous offre le pot : « Choukrâne », ami. J’offre pour ma part et à chacun d’entre eux une petite carte écrite de ma main émue la veille au soir, et dans laquelle j’exprime sincèrement mes pensées reconnaissantes et amicales envers mes compagnons de travail. Deux ans (voire plus) passés ensemble au quotidien, ça vous soude une équipe mieux qu'un chalumeau entre les mains expertes du premier plombier polonais venu.  

    Et voilà, c’est fini, cette fois-ci. Bel et bien fini. Terminé. Game Over. Je ne reverrai plus le TechnoCentre de sitôt, et j’en conçois une certaine tristesse, mais j’ai trouvé des amis sûrs et c’est bien là l’essentiel. Je sais que le temps qui passe mettra notre amitié à l’épreuve, voire en péril, et je sais par expérience que c’est une sensation des plus douloureuses que de voir s’éloigner des amis proches avec qui l’on a passé de merveilleux moments. Alors je fais un vœu : que ceci ne se reproduise plus. 

    A la revoyure, chers ex-collègues ! 

    Grand salut amical aux autres compagnons de cette belle galère (in no specific order) : Brigitte, notre désormais experte estampillée TEFL (bonne reprise dear Bridget) ; Danielle, expatriée du pays des fleurs et du gouda ; Peter, irlandais pétillant et sémillant ; Mike, mercenaire kamikaze toujours à la recherche de la cassette qui tue ; Jackie, canadienne en goguette qui campe dans notre salle « borne » ; Magda, espagnole délurée experte en creusage de trous, qui pourra, à la demande, égayer vos soirées privées ; Valérie, fanatique des Fiches Navettes, quelques grammes de fraîcheur dans un monde de brutes ; Gérald, chauve qui ne fait pas que sourire, véritable tête chercheuse, génial touche-à-tout. Vous aussi, vous allez me manquer...